Thursday 9 December 2004
Vie associative dans une école
Puisque je suis sur Planet ENSIMAG (bon classement sur Google, soit dit en passant), j'en profite pour m'adresser aux quelques élèves-ingénieurs qui vont me lire. Je préviens juste que ça ne va pas plaire à tout le monde et que ce n'est certainement pas un problème qui n'existe que dans une école. Je pense qu'on retrouve ce problème absolument partout. Ce n'est pas une raison pour ne pas chercher une façon de le résoudre.
Je rappelle avant tout que j'ai été moi-même élève-ingénieur pendant trois ans, et que j'en côtoie depuis au quotidien soit parce que ce sont des amis, soit parce que je les croise pour aller dans mon bureau, soit parce que ce sont mes élèves. Donc je pense pouvoir dire que je sais de quoi je parle.
Dans une école (et dans une université aussi), il y a une vie associative. Plusieurs clubs et associations existent pour proposer différents services à tous les élèves-ingénieurs. Ces clubs et associations ont un fonctionnement bénévole (sauf peut-être dans certains rares cas) et il faut des personnes pour qu'ils fonctionnent. Ca ne tourne pas tout seul. Je pense que tout le monde est d'accord jusqu'ici.
On va le dire franchement : la vie associative dans une école est un formidable gâchis. Tant de personnes et de qualités, si peu de vie associative. Cela ne veut pas dire que c'est toujours un échec (bien au contraire), mais cela pourrait être tellement plus vivant, tellement plus réussi. Selon moi, il y a trois gros problèmes et ils ne sont pas insolubles :
- les élèves-ingénieurs ne veulent pas s'investir ;
- l'administration ne fait rien pour encourager les élèves-ingénieurs à s'investir ;
- les clubs et associations ont trop souvent un problème de communication et ne parviennent pas à attirer des élèves-ingénieurs.
Le troisième point est mine de rien très important : c'est un des plus gros défauts dans tout ce que j'ai fait à mon époque. Et c'est tout simplement essentiel lorsqu'il faut passer la main. Malheureusement, je ne sais pas si on peut apprendre ceci autrement que par l'erreur...
Le second point est critique : l'administration a tendance à dire qu'elle n'a pas besoin de favoriser la vie associative car cela sera déjà bien utile d'avoir ces quelques lignes sur un CV. Est-ce que les gens qui prennent ces décisions se souviennent de leur vie étudiante ? Quand on est élève-ingénieur/étudiant, on ne pense pas à ça ! Modifier favorablement la moyenne de ceux qui participent activement à la vie associative pourrait motiver les gens, mais leur dire que plus tard, ça leur servira, c'est totalement inutile (je ne suis pas pour autant pour la modification des moyennes). Un élève-ingénieur/étudiant a presque toujours une vision à court terme de ce point de vue là, et on n'y peut rien.
L'administration doit soutenir activement la vie associative, et ce d'autant plus qu'une vie associative active et saine a de grande chance d'augmenter la motivation et le succès des élèves-ingénieurs. Un premier pas tout simple à faire pour l'administration serait de faire savoir qu'elle connait les gens qui participent activement (et positivement) aux clubs et associations. Lorsque je suis allé faire signer un dossier pour une demande de bourse de thèse au directeur de mon école (qui a terminé son mandat depuis), il a mis un commentaire que je regrette de ne pas avoir photocopié et qui m'a fait énormément plaisir (même s'il contenait des erreurs :-)) : il savait que je m'investissais et il connaissait la valeur de cet investissement. Une simple reconnaissance, même d'estime, de la part de l'administration est très importante. Il faut que les élèves-ingénieurs qui font des efforts savent que c'est apprécié. Ils ne peuvent pas le deviner.
Le troisième point... C'est celui sur lequel je vais m'attarder.
Un(e) élève-ingénieur ne veut généralement pas s'investir dans un club ou une association. Il (ou elle) préfère faire la fête, ou faire quelque chose dans son coin. Ce ne serait pas trop un problème si tout le monde n'avait pas ce côté individualiste. Bien entendu, si un club ne vous intéresse pas, cela ne sert à rien de particper à la vie de celui-ci. Bien entendu, certains élèves-ingénieurs ont une vie et des activités en dehors de l'école. Bien entendu, d'autres ont des problèmes personnels plus importants. Mais ce n'est rien en comparaison du nombre de personnes qui n'entrent pas dans ces catégories et qui utilisent les services d'un club sans jamais rien lui donner en retour est énorme. Même pas un merci
, ce mot qui a le pouvoir de motiver quelqu'un comme rien d'autre. Les rares fois où l'on m'a remercié se comptent sur les doigts de mes deux mains. Mais elles ont été très importantes, voire décisives. Elles m'ont poussé à continuer.
La principale objection qu'on va me faire, c'est je n'ai pas le temps
. Et c'est certainement vrai et sincère. Mais il faut savoir que plus tard, il y aura encore moins de temps pour rendre à des gens ce qu'ils vous ont offert. On me dira ensuite qu'il y a déjà des gens qui s'en occupent et qu'il n'y a pas besoin de plus de monde. C'est faux : ceux qui font (sur)vivre les clubs et associations n'ont pas plus de temps libre. Ils arrivent à se débrouiller, mais ils aimeraient certainement de l'aide. Si tout le monde participait, cela prendrait beaucoup moins de temps à chacun et tout le monde profiterait des services. Qu'on s'amuse lorsqu'on est élève-ingénieur, c'est tout à fait normal. Après tout, il faut en profiter pendant qu'on le peut encore. Mais qu'est-ce qui vous empêche de vous amuser en participant à une association ?
Tout mon discours n'est pas très clair ? Illustrons un peu avec quelques chiffres. Dans ma promotion, nous étions plus de 200 (je compte la promotion du département Télécommunications car nous partagions la même vie associative). Pendant mes trois ans d'études, je suis convaincu que seule une vingtaine des élèves-ingénieurs de ma promotion ont construit la vie associative de l'école. Et cela a toujours été les mêmes personnes qui faisaient tout. Est-ce normal ? Que ce serait-il passé si la moitié d'entre eux avait abandonné (beaucoup, moi y compris, y ont pensé) ?
Pour l'instant, tout ce que j'ai pu constater, c'est que tout le monde ignore le problème. Tout va bien. Cela fonctionne, certes (et encore, pas toujours). Mais pourquoi est-ce que cela ne pourrait pas être encore mieux ? Pourquoi ne pas avoir de l'ambition, rêver un peu, puis passer à l'action ?
Comments
1. Lucas Nussbaum [09/12/2004@12:46]
2. Vincent [09/12/2004@12:51]
3. R [09/12/2004@14:39]
4. Florent [16/12/2004@17:32]
5. Vincent [19/12/2004@21:39]
6. Florent [20/12/2004@00:01]
7. Philippe MAIRE [20/12/2004@01:21]
8. MadCoder [31/01/2005@09:36]
9. Vincent [31/01/2005@12:35]